Une douce lumière traversait les vitres d’une chambre, la baignant dans ses rayons dorés. La fenêtre entrouverte laissait passer une délicate brise parfaitement typique du printemps. Dans cette chambre teintée de rose et d’argent se tenait debout une jeune femme, les mains dans un placard à la recherche de quelque chose. Elle était habillée d’une simple robe bleue claire, tenue à la taille par un corset beige. Les manches, amples lui tombaient sur les bras, cachant jusqu’à l’ongle de ses doigts finement vernis. Finalement, à force de se tendre sur la pointe des pieds elle finit par attraper ce qu’elle voulait ; une écharpe qui lui permettrait de se protéger du froid qui restait encore malgré le soleil. Elle l’enroula autour de son cou, coinçant ses cheveux avec, puis elle enfila des bottines noires à talons. Fin prête, elle sortit de sa chambre, traversa un couloir, descendit un escalier en pierres qui sentait l’humidité. Son patron faisait très attention à l’entretient de son salon à clients et de son bar. Le reste il laissait ses habitants le faire, et personne ne se souciait vraiment de la mousse qui recouvrait les murs à certains endroits, ces escaliers n’étaient empruntés que pour les passages, personne n’y vivait. En bas des escaliers, Alysha croisa son reflet dans un miroir à pieds cerné d’ornements dorés. Elle s’y arrêta un instant pour se regarder, elle passa une main dans sa frange, épousseta un peu sa jupe et se désintéressa du miroir. Elle finit par passer dans une petite pièce où était entreposé de l’alcool, des couvertures, la liste des jours de travail des employés et leurs horaires, ainsi que d’autres objets plus ou moins divers. Elle prit sur un tableau en liège une liste de courses, elle y jeta rapidement un œil et la mit au fond d’un panier avec un porte-monnaie qui trainait sur un comptoir. Elle avait tout ce dont elle avait besoin, alors enfin elle empruntât la porte des employés, pas la grande porte principale qui était réservée aux clients, mais la petite en bois qui donnait sur une ruelle, celle que les clients auraient refusé d’emprunter à cause de son état miteux. Elle se dit, comme à chaque fois qu’elle l’utilisait, que si un voleur voulait rentrer se serait extrêmement facile avec cette porte qui ne fermait presque plus.

Une fois dehors elle se dépêcha de sortir de la ruelle, si plus jeune elle avait su se battre, elle avait maintenant bien perdu cette faculté. Dorlotée comme une princesse dans son travail elle avait pris l’habitude de se faire entretenir et non l’inverse. Autant avant elle était comme un animal sauvage, errant pour sa survie, autant maintenant elle avait commencé à se laisser apprivoiser. Loin de l’étroitesse des murs la lumière frappa sur son visage violement, Alysha par réflexe se protégea les yeux d’une main, aveuglée par ce brusque changement de luminosité. Doucement son regard bleuté s’habitua et elle put enlever sa main. Elle était un cinq minutes à pieds de la rue commerçante où elle avait besoin de se rendre. Il ne pleuvait pas elle pourrait donc prendre son temps. Paresseusement elle se mit en route, préférant longer les murs, pour mettre sa peau pâle à l’abri du soleil, malheureusement pour elle, étant une pure Russe elle avait une peau blanche comme la neige qui ne supportait pas le soleil. Alors qu’elle voyait certaines de ses collègues bronzer et devenir marron, elle, elle cramait tout simplement et devenait rouge, ce qui lui était formellement interdit pour travailler. Son physique était la condition de l’emploi, elle n’avait pas le droit de l’abimer. Ce aurait été comme si un écrivain n’avait pas d’encre. Elle avançait de sa démarche féline jusqu’à trouver la rue qu’elle cherchait. Il lui fallait surtout de l’alcool, elle était partie en course pour ça. Puis elle se dit qu’elle allait peut-être prendre aussi quelques fruits, pour aller avec les cocktails, elle aimait beaucoup faire des présentations originales et créatives. Elle avait entendu parler il n’y avait pas si longtemps de fleurs comestibles, elle essayerait d’en trouver, cela renforcerait l’ambiance printanière qu’elle voulait donner à ses boissons. Son patron lui laissait la liberté tous les mois de créer le cocktail du mois, une boisson qu’elle créait d’elle-même, introuvable ailleurs, et qui changeait tous les mois, qu’elle adaptait au fil des saisons, du nombre de clients etc. Et ils avaient un certain succès. Le bar était connu pour cette spécialité. Alysha était fière de ça, elle n’était pas encore assez douée pour faire les cocktails les plus complexes, mais pour innover, ça elle savait parfaitement le faire.

Elle trouva sans la moindre difficulté le marchand d’alcool qu’elle connaissait à présent très bien. En effet depuis que son patron s’était rendu compte que la jeune fille aimait être occupée il avait pris l’habitude de l’envoyer faire les courses pour le bar en ville. Et surtout, sa beauté ne passait pas souvent inaperçue, ce qui permettait de ramener de nouveau clients. Idée que son patron avait d’elle dont elle ne s’était pas rendu compte, naïve comme elle était la jeune fille ne visualisait pas les ravages qu’elle pouvait faire. Devant l’étalage du commerçant Alysha s’arrêta un moment, un client était déjà en train de se faire servir. En attendant que son tour arrive elle tira la liste de son panier et lut ce que son patron avait marqué dessus. Toutes sortes d’alcools qui provenaient de partout. Heureusement qu’il avait pensé à lui laisser l’argent prévu à cet effet car elle n’aurait elle, pas eut les moyens d’avancer la somme totale. Quand vint enfin son tour elle salua l’homme qui tenait le comptoir, un vieux moustachu qui avait l’air de s’y connaître à la perfection dans son domaine, un lourd ventre tendu qui semblait être sur le point de faire craquer la chemise qu’il avait rentrée sans son pantalon. Elle lui donna la liste, comme elle avait l’habitude de le faire et il se chargea lui-même de lui trouver tous les alcools listés. Elle en eut pour trois énormes sacs remplis de bouteilles, elle réussit difficilement à en faire tenir deux dans son panier et porta l’autre comme elle pouvait avec son bras libre. Il ne manquait plus qu’à trouver un stand avec de jolis fruits. Ce qui fut difficile avec son chargement. Finalement ce qui devait arriver arriva, elle ne voyait pas très bien devant elle et elle finit par percuter quelqu’un. L’homme était beaucoup plus grand, et plus imposant qu’elle, ce qui fut que le choc l’abasourdie plus elle que lui. Elle en posa brutalement son panier par terre, et elle posa ses yeux sur l’homme face à elle. Sans dire un mot, elle tordit légèrement la bouche prête à dire quelque chose, mais aucun son ne sortit de ses lèvres fermées.